Comment se construit un bon feedback ? Quels sont les critères cruciaux déterminant qu’un feedback a été bien donné ? Existe-t-il des outils facilitant cet exercice complexe ? Anne Levi, directrice des opérations chez MyJob.Company, donne des pistes pour bien réussir son feedback.
Selon une étude réalisée par Gallup, 43% des employés les plus engagés reçoivent un feedback hebdomadaire. En effet, un bon feedback permet de donner et de recevoir des informations sur sa performance de collaborateur et, par là même, de s’inscrire dans un cycle d’amélioration motivant. Certains nouveaux modèles de performance ont d’ailleurs comme axe crucial cette capacité à donner et recevoir du feedback en continu (continuous feedback).
Feedback négatif, feedback positif ?
Donner un feedback négatif, si l’on s’y emploie bien, est tout à fait constructif. Néanmoins il est primordial de créer également une culture du feedback positif. Celui-ci permet de faire du renforcement positif et de créer une dynamique positive de travail. « J’encourage les managers à dire à leurs collaborateurs quand ils sont satisfaits d’eux, à les féliciter sur une présentation réussie, un dossier complexe rondement mené, c’est une habitude saine à prendre », insiste Anne Levi.
Néanmoins, la difficulté réside plus précisément dans la capacité à donner un feedback lorsque quelque chose coince. « Tout l’enjeu réside alors dans la capacité à donner, non pas un feedback négatif – je trouve le mot antinomique – mais au contraire à donner un feedback constructif« , souligne Anne Levi.
La structure du bon feedback
Comment se construit un bon feedback ? À partir de trois étapes simples mais qu’il convient de respecter pour que celui-ci soit vraiment constructif.
Étape 1 : donner les points positifs. Le manager commence par développer les aspects positifs du travail d’un collaborateur sur un cas spécifique. « A cette étape, les américains en font des caisses. En France, on sera plus circonspect mais l’idée reste la même : il s’agit d’être encourageant et valorisant. » L’idée n’est pas de trouver du positif pour du positif mais de forcer le manager à se mettre dans une posture bienveillante et constructive. Par ailleurs, cette approche peut permettre de mettre en lumière ce qui va et de s’appuyer sur ces forces pour trouver des solutions (à l’étape 3).
Étape 2 : donner les points d’amélioration. Il s’agit de souligner les points faibles du collaborateur d’une manière assez directe tout en étant dans un état d’esprit bienveillant. « Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt, cette étape du feedback nécessite du courage managérial car personne n’aime entendre ce qu’il a mal fait. Ce qui est important, c’est de le présenter non pas comme un jugement définitif mais comme un axe d’optimisation. Tout le monde peut s’améliorer, c’est le principe même du feedback.«
On évitera dès lors tout jugement sur la personne (« tu n’es pas quelqu’un de rigoureux », par exemple) pour privilégier le retour objectif sur une situation précise (« sur ce dossier, ton travail a parfois manqué de rigueur »). Ensuite, il faut apporter des précisions, être le plus factuel possible pour que le collaborateur comprenne bien ce qui n’a pas fonctionné. Enfin, pour que les exemples cités restent pertinents, il est important de faire le feedback dans un laps de temps assez court après le rendu, pour que le collaborateur ait le sujet en tête et puisse se dire qu’il peut encore travailler dessus.
Étape 3 : la recherche de solutions. C’est grâce à cette étape qu’un feedback devient véritablement constructif car l’on propose des pistes d’actions à mettre en place. Dans certains cas, le manager peut donner des solutions et indiquer à son collaborateur des actions correctives. Néanmoins, « le plus intéressant est de se positionner dans une démarche de coaching et d’amener le collaborateur à trouver lui-même ses propres solutions. Dans ce cas, la formule magique est ‘qu’est-ce que tu aurais pu faire différemment ?’ ».
Une autre piste consiste à co-construire une solution à deux en posant clairement ce qui ne fonctionne pas, en clarifiant l’objectif de chacune des parties et en réfléchissant à des solutions. Dans tous les cas, cette étape permet d’inviter à l’échange et à l’action pour que les deux parties repartent confiantes et motivées. « Avant de donner un feedback, je demande toujours à la personne de s’auto-évaluer et je construis à partir de cela« , conseille Anne Levi.
Exemple de feedback constructif “Ta présentation était claire et les messages importants bien présentés pour qu’ils soient bien reçus par le client. En revanche, tu aurais pu avoir plus d’impact en utilisant des chiffres, sachant que ton client est un analytique féru de chiffres. A ton avis, quels chiffres aurais-tu pu ajouter ?” |
La pertinence du feedback
Elle repose sur deux axes : l’intention donnée au feedback et l’objectif de la rétroaction.En effet, il est impératif que celui qui donne le feedback le fasse avec l’intention consciente d’être constructif. Et c’est précisément pour cela que tout feedback est lié à un objectif spécifique d’amélioration. C’est à ce prix qu’un feedback permettra d’améliorer la performance des collaborateurs en entreprise.
Pour y parvenir, le manager doit porter une attention particulière au choix des mots qu’il va employer, trouver un cadre approprié. Il fera également attention au fond autant qu’à la forme, car « la communication non verbale joue également un rôle important dans le feedback« , souligne Anne Levi. « Celui qui reçoit le feedback va juger autant les mots employés que l’attitude de son manager, son impression de sincérité. C’est un exercice vraiment complet.«
Créer une culture du feedback continu
La régularité joue également un rôle important. « Trop de managers se contentent du point annuel« , déplore Anne Levi. Or, cela ne permet pas de créer une culture du feedback et que celui-ci devienne normal et naturel. « A minima, les managers devraient donner des feedbacks toutes les six semaines. Mais là, on parle de feedback à froid, posés et formels. Tout l’enjeu est de former les managers pour qu’ils soient en mesure de donner des feedbacks à chaud, tout en utilisant les bons mots, le bon ton, les bons arguments et la bonne structure. »
En utilisant les approches de feedback formel et informel, les individus se placent dans des cycles d’amélioration continue par le biais de courtes itérations. Autre point positif : cela devient aussi une habitude, et c’est moins angoissant pour tout le monde.
Exemple de feedback à chaud « A l’issue d’une réunion, sur le chemin du bureau je faisais toujours un feedback à chaud sur l’impact du collaborateur. Et après une réunion difficile, je n’hésitais pas à en rajouter un peu sur le renforcement positif, à dire « Super boulot, merci » ou « tu as fait tout ce que tu as pu« . Quand ce n’était pas possible, je m’arrangeais pour envoyer un email, même concis pour faire preuve de reconnaissance… mais l’essentiel est vraiment d’apprendre à délivrer un feedback à chaud, moins formalisés qu’un retour par écrit. » – Anne Levi |
Feedback positif et plan de développement global
Le feedback positif peut également être un outil à disposition des managers pour motiver ses collaborateurs dans le cadre de leur plan de développement. “Lorsqu’un collaborateur progresse sur un axe d’amélioration, il est important que cela soit souligné… même quand il reste une marge de progression.” C’est une question de motivation : lorsqu’un manager souligne et encourage les progrès, le collaborateur est plus enclin à travailler sur ses points faibles.
Les outils pour donner un feedback motivant
La communication non violente (CNV) peut être intéressante car elle est basée sur le principe de la coopération. Elle permet, surtout de se détacher du jugement qui empoisonne les relations y compris entre collègues. On peut découper la CNV en 3 étapes.
1. Observer les faits. C’est l’étape qui demande le plus de lutter contre ses mauvaises habitudes mais bien pratiquée, elle permet de sortir des jugements de valeur. Ici, il s’agit d’observer factuellement une situation. Cette étape permet également de poser le contexte du feedback. Ce qu’il faut à tout prix éviter : la généralisation (« tu es tout le temps en retard ») ou (« tu n’es jamais motivé »).
2. Exprimer ses sentiments. Ici il s’agit d’exprimer son ressenti et de le partager en utilisant le vocabulaire des émotions « voici ce que ça me fait à moi ». Cela permet d’exprimer ce qui est problématique tout en se plaçant du côté de ses émotions, de son point de vue, et donc d’accepter ce qu’il a de subjectif. Personne ne peut contester les émotions que ressenties, tandis que les faits si !
3. Faire part de ses besoins. Ici il s’agit d’exprimer une demande et donc de sortir de l’idée que les collaborateurs doivent deviner nos besoins. On peut éventuellement conclure sur les actions que l’on souhaite voir mettre en place “ou encore mieux, se mettre d’accord sur une solution commune”.
Anne Levi est convaincue de l’impact positif qu’a la création d’une culture du feedback dans les entreprises et organisations. « A l’heure où on parle de bonheur au travail, il me semble que c’est un outil fort permettant en plus de faire progresser l’efficacité et la performance des individus. Le problème c’est que beaucoup trop de personnes sont propulsées managers sans outil ni méthode. Or, avoir des conversations difficiles, faire un retour sur un sujet délicat nécessite un doigté qui s’apprend. Je prône la formation des managers, le coaching, la mise en situation, les jeux de rôle. Le feedback est un outil puissant mais complexe qu’il faut apprendre en l’expérimentant et pas simplement en appliquant une méthode froide et mécanique.«
Par Anne Levi – 23 décembre 2019
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